Médusé.es (titre provisoire)
Direction artistique Marlène Rubinelli-Giordano – Cie L’MRG’ée
Un spectacle pour l’espace public travaillé au théâtre ?
Cette résidence, la deuxième de la compagnie pour cette création, va surtout être l’enjeux des retrouvailles de l’équipe artistique après le confinement et la reprise du travail des numéros de chacun des agrès.
Intention
L’on pourrait voir dans les rues, sur les places, deux hommes et quatre femmes sous nos regards. Mais entre eux, avec nous, quelles relations se trament, se nouent, se détissent ? Attraction, répulsion, reconnaissance, indifférence : l’amour, le désir – et leur absence – fondent les phénomènes qui font les rapports amoureux. Ces six solitudes dansantes, suspendues et accrochées, ces six artistes de cirque, en contorsions, au mât chinois, à la roue cyr, aux sangles, tendent vers l’autre leurs corps et tentent d’ouvrir leurs cœurs, autant que de sauver leurs peaux.
Comme l’on pourrait voir – en chaque protagoniste ou comme une présence hiératique – les attributs de la Méduse mythologique : une chevelure prodigieuse, un regard sidérant, un masque, des serpents, un cri et ce cheval ailé. D’une beauté rare, abusée par Neptune, punie pour ce crime et métamorphosée en Gorgone aux yeux pétrifiants par Athéna, la créature androgyne est tuée par Persée. De son cou naîtront les jumeaux Pégase et Chrysaor tandis que sa tête ornera l’égide d’Athéna.
Par sa présence, que révèle Méduse des regards que nous nous portons les uns les autres ? De tout temps on a cherché à canaliser les regards or, nous sommes hantés par cette pulsion de voir. Peut-on dé-fasciner nos regards ? Persée use d’un miroir pour pouvoir affronter le reflet de Méduse et non son regard. Ce miroir fait-il de lui un Narcisse qui tout en observant l’autre, s’observe lui-même observant l’autre ? À l’ère numérique, qu’est-ce que cela raconte de notre rapport à l’image, à la représentation de soi ?
Comme l’on pourrait voir jusqu’où la beauté de Méduse l’abîme en animant le désir d’un Dieu et la colère d’une Déesse. Victime, elle n’en est pas moins punie. Méduse est une hantise : son étrangeté radicale est sa monstruosité, sa mortalité nous renvoie à la fatalité. La regarder, c’est mourir à soi. Méduse vient nous parler de cette irrépressible dialectique entre amour de soi et amour de l’autre qui forge toute relation affective, amoureuse. Qu’est-ce qui, dans l’altérité, nous inquiète tant que cela nous empêche d’oser la rencontre ?
Comme l’on pourrait voir quelles ombres de l’humanité Méduse reflète. Monstre, muse, prostituée : les différentes représentations de cette figure montrent les regards qui, au fil du temps, se sont posés sur les femmes. Qu’est-ce qui, en Méduse, fait si peur ? Même morte, ne provoque-t-elle pas encore l’effroi ? Quelle puissance cachée sous la différence, sous la difformité, sous l’étrangeté, sous la féminité ? Cette puissance attribuée serait-elle le simple reflet de ce qui, dans le regard de l’autre, se nommerait peur ? Peur d’aimer, de faire face, et que s’inverse – ou s’annule – le rapport de force ?
Et comme, au-delà encore, l’on pourrait voir ce que cette hantise nous raconte de l’expérience qu’hommes et femmes ont de l’espace public, de leurs corps et de leurs regards dans ces lieux mais aussi des sentiments intériorisés, des stratégies, des gestes devenus réflexes. Insécurité, protection, évitement, appartenance : qu’est-ce qui conditionne nos comportements ? Jusqu’à quel point nos circulations et nos usages de l’espace public diffèrent-ils selon notre genre, notre couleur, notre âge ? L’espace public appartient-il à tous ?

Photos de travail à l’Agora (Boulazac) (c)M.Rubinelli
La Cie L'MRG'ée
La Cie L’MRG’ée voit le jour en décembre 2018 à l’initiative de Marlène Rubinelli-Giordano, acrobate trapéziste, et jusqu’à cette date co-directrice du Collectif AOC, compagnie associée à l’AGORA PNC Boulazac depuis 2012, date de son implantation en Aquitaine.
Après deux décennies d’aventures partagées au sein du Collectif, et sept saisons comme « artiste associé » au Pôle cirque, au cours desquelles verront jour nombre de projets sur l’ensemble du territoire aquitain, les artistes souhaitent gagner en indépendance et tracer leur chemin en reconstituant leurs équipes et en défrichant de nouveaux espaces de création.
Marlène Rubinelli-Giordano fait le choix de rester en Périgord pour y poursuivre et construire ses nouveaux projets, et Frédéric Durnerin, le directeur de l’Agora, avec qui se sont tissées complicités artistiques et humaines, lui proposera de poursuivre leur association.
Début novembre 2018, plaine de Lamoura à Boulazac, la compagnie L’MRG’ée crée « Des bords de soi », nouvel opus pour cinq interprètes qui signe es débuts de sa nouvelle compagnie, L’MRG’ée, et souligne sa volonté d’affirmer une écriture tournée vers le corps et ses représentations symboliques.