Sa maison est toute petite et si légère qu’elle la transporte sur son dos, elle n’a pas de mur et ses fenêtres sont grandes ouvertes, elle prend vie sous ses doigts, elle frémit quand son corps s’y agrippe et s’y frotte comme à un agrès de cirque.
Trapéziste, acrobate, voltigeuse, Marlène Rubinelli-Giordano est une femme de la piste, du corps, de l’image, co-fondatrice à l’aube des années 2000 du Collectif AOC, Artistes d’Origine Circassienne.
La maison est un thème qui hante mon imaginaire de femme depuis longtemps déjà et trace un sillage de mes errances. Je quitte le foyer familial dès mes 11 ans et m’installe dans les casseroles de ceux qui me laissent y entrer, dans des chambres étudiantes et des foyers pour jeunes travailleurs avec l’eau chaude du robinet comme petit-déjeuner puis dans différentes maisons plus confortables en France et à l’étranger.
Encore plus tard alors que je suis femme acrobate femme trapéziste femme nomade je m’attache à ce qui a des roues et vis 20 ans en caravane.
Sans y penser, en 2013 pour la création de son solo Maalâm en 2013, elle commence à travailler sur le thème de la maison en faisant vivre deux structures métalliques. La petite maison de tubes de métal pour porter les névroses de cette femme ; et l’autre, trop grande, pour ses rêves et son trapèze. Elle a proposé ensuite sa maison symbolique, dans le cadre d’ateliers menés en milieu carcéral, à ceux qui en sont privés et qui vivent l’enfermement au quotidien pour y chercher les bouleversements que subissent les corps détenus. Aujourd’hui elle bâtit à nouveau cette maison.
Toutes les maisons sont miennes sans qu’aucune m’appartienne.
Plusieurs toits, toujours chez moi, jamais à la maison.
Toutes les maisons m’appartiennent sans qu’aucune soit mienne.
Pas un seul toit, jamais chez moi toujours à la maison.
La maison est un abri à mes vagabondages. Elle rassemble mes membres et contient mon corps. Lorsque je veux fuir, elle se fait forteresse, elle restreint mon corps et mon cœur cherche une porte pour s’en échapper.
Ma maison pourrait être une valise, mes bottes à fermetures éclair toujours ouvertes, une chapka en hiver, le chapiteau, ma chatte Bô dans le coffre de ma Volvo, mon thermos et mon maté, mes fringues éparpillées, le soleil sur ma peau en été.
Après deux décennies d’aventures partagées au sein du Collectif AOC, et sept saisons comme « artiste associé » au Pôle cirque L’Agora, début novembre 2018, plaine de Lamoura à Boulazac, la compagnie L’MRG’ée crée Des bords de soi, nouvel opus pour cinq interprètes qui signe les débuts de la nouvelle compagnie de Marlène Rubinelli-Giordano, L’MRG’ée, et souligne sa volonté d’affirmer une écriture tournée vers le corps et ses représentations symboliques.